Les papillons rêvent-ils d'éternité ? Ce titre plein d'innocence m'a fait sourire, émerveillée. Dès que je l'ai lu, il y a eu un déclic en moi et j'ai été aussitôt curieuse de savoir ce qu'il cachait. Le résumé évoque la fin du monde, vue par une jeune fille de 13 ans, au sein d'une communauté de croyants. Je suis passée de curieuse à désireuse... puis à lectrice. Revenons ensemble sur cette expérience.
Éditeur : Michel Lafon
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Genre : contemporain
Nombre de pages : 171
Date de parution : 03/ 04/2014
Prix : 14,95€
Résumé :
"« Cette journée du 1er janvier, la première de la dernière année du monde, il s'est passé quelque chose de spécial entre nous, les élus. C'était comme au printemps, quand on devient joyeux sans comprendre pourquoi. C'est la dernière année de souffrance, a dit papa. Bientôt, on sera libérés. »
"« Cette journée du 1er janvier, la première de la dernière année du monde, il s'est passé quelque chose de spécial entre nous, les élus. C'était comme au printemps, quand on devient joyeux sans comprendre pourquoi. C'est la dernière année de souffrance, a dit papa. Bientôt, on sera libérés. »
Les saisons se succèdent et les croyants se préparent à la fin des temps. Parmi eux, une jeune fille de 13 ans contemple la condition humaine dans ses craintes et ses obsessions, dans sa surprenante capacité d'imagination pour triompher d'une vie sans espérance."
Avis :
Honnêtement, je ne savais pas trop sur quel pied danser avec ce roman avant d'en commencer la lecture. Une jeune fille de 13 ans pour narratrice, ça peut mettre sur ses gardes. Le style sera-t-il trop enfantin ? Mais cette adolescente n'est pas seulement jeune, elle est aussi une élue, parmi des croyants. Je tique parfois sur des romans en rapport avec la religion. Est-ce que ce sera la même ici ? Les premières lignes ont immédiatement dissipé mes doutes et mes questions. Une fois ma lecture entamée, j'étais dans un autre monde, j'avais d'autres croyances. Les papillons rêvent-ils d'éternité ? Je me pose encore la question, même si je pense que ce roman a apporté un début de réponse...
Nous ne connaissons pas son prénom, nous sommes étrangers à sa vie et sa communauté, mais elle nous livre son histoire, en toute innocente, dans toutes ses vérités. Du haut de ses 12, puis 13 ans, notre jeune narratrice nous raconte sa dernière année sur Terre, puisque la fin du monde est pour bientôt. Avec ses frères et ses soeurs, elle fait partie des élus, ceux que Dieu sauvera après l'Apocalypse. Chaque journée passe dans l'attente de cette fin, sous les humiliations et les moqueries de ceux qui ne comprennent pas, ceux qui ne croient pas. Mais l'héroïne est à un âge où les questions se multiplient, où le regard évolue...
Le roman est découpé en quatre parties, qui correspondent chacune aux saisons qu'il reste avant la fin du monde. L'hiver. Le printemps. L'été. L'automne. La fin. Chaque saison se succède amène son lot de secrets, de découvertes, de réponses, de questions, au sujet de notre narratrice, de sa famille, de sa communauté.
Sandra Labastie, à travers son personnage, revient sur le culte et ses dérives, ses limites aussi. Avec les yeux d'une enfant, avec cette voix innocente et fluette, elle nous montre la zone floue où foi et folie se mêlent, où chaque mot a plus d'un sens et une langue plusieurs facettes. L'auteure [l'enfant ?] a cette plume délicate, fragile, mais en même temps si réelle. J'ai très vite été prise par les mots, les tournures employées. A aucun moment les réflexions sur les croyances ne m'ont dérangée. J'étais avide d'en savoir plus, d'en lire plus. Je voulais voir jusqu'où la foi pouvait conduire ces individus, et jusqu'où ils la laisseraient guider leur vie.
Tout du long, le lecteur est dans la tête d'une jeune narratrice. Tout est écrit à la première personne, notre narratrice n'est jamais nommée. L'effet était si prenant, et facilité par l'écriture, que je n'ai eu aucun mal à rentrer dans le récit, à me sentir liée à cette jeune fille. La forme y est sûrement aussi pour quelque chose. L'on pourrait se croire face à une sorte de journal intime, sans les us qui vont avec, le seul marqueur de temps étant la découpe du roman. Je tournais les pages sans les voir, captivée, confondant parfois l'histoire à ma vie. C'est simple, le temps de la lecture, quelque soit notre religion, on l'oublie... pour se mettre à la place de la narratrice.
Notre héroïne est donc une jeune fille, treize années à peine, au regard neuf et intelligent. C'est la plus jeune de sa communauté, elle peine à se faire des amis puisque les incroyants se moquent d'elle, puisqu'on la voit comme une enfant parmi ses frères et soeurs. Et c'est à nous qu'elle va se confier. Comme tout à chacun, elle se pose des questions sur ce qui l'entoure, cherche à comprendre le monde et à se comprendre. Selon la communauté, toutes ses réponses sont dans la Bible. Mais, faute d'y trouver ce qu'elle veut, elle regarde ailleurs, s'interroge davantage. Elle doute, elle expérimente. Lentement, elle s'éloigne des préceptes de sa communauté, et on la découvre, oscillante, dans un entre-deux : elle est à la fois croyante et incroyante, ses secrets la rapprochant du Diable, sa culpabilité la reconduisant dans les bras de Dieu.
Elle m'a beaucoup touchée, cette jeune fille. Perdue au sein de sa communauté, perdue aux yeux des incroyants, elle se cherche sans se reconnaître nulle part. Elle a soif de vérités, rien de plus, mais les réponses de ses parents ne conviennent pas, ni celles de sa religion. C'est ainsi qu'on la voit grandir, plus vite qu'une fille de son âge, confrontée aux regards des autres, privée de liberté et ployant sous le poids des responsabilités de la foi. Elle ne peut rêver d'avenir, il n'y en aura pas. Elle ne peut faire ce qu'il lui plaît, Dieu pourrait ne pas l'accepter. Elle ne peut faire comme les autres, ce serait rejoindre le Diable. Que lui reste-t-il, à part vouer sa dernière année à ce qu'Il veut, à ce que souhaitent ses frères et soeurs ? Enfermée dans ce carcan, on la regarde, tantôt admiratif, tantôt impuissant, mûrir trop vite et quitter l'innocence qui caractérise son âge.
Et s'il ne fallait qu'une citation pour vous convaincre :
"Sur le haut du carton, il y a un grand livre fascinant avec une image sexuelle, Les Positions du Kama Sutra. Heureusement, c'est un dessin. Blanche a vu que j'avais vu. Elle me regarde, un peu gênée.
« Que veux-tu, il vit sa vie », dit Blanche, comme pour
s’excuser. Le fils rit. « Et j’espère qu’elle vivra la sienne. »
Cette phrase me poignarde. Je suis envahie par une immense tristesse. Comme
si j’étais condamnée au fond d’un puits."
Un immense merci aux éditions Michel Lafon pour cette découverte !
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Sandra Labastie, sous forme d'un récit court et émouvant, revient sur la croyance et ses extrémités, sans pour autant noyer le lecteur de religion. Les papillons rêvent-ils d'éternité ?, portée par une fille de 13 ans, est teinté d'émotions et d'authenticité, dominé par une justesse et une écriture qui font de ce roman une lecture agréable et intense. Nul doute, je vous le recommande !
Ce livre a vraiment l'air sympa ! ^^
RépondreSupprimerMieux, il l'est ;)
SupprimerLe titre est très joli! le livre m'intrigue en tout cas. J'en profite pour te proposer un tag, c'est ici : http://readusblog.canalblog.com/archives/2014/06/04/29989927.html. Bien sûr, c'est si tu en as envie. Bonne continuation :)
RépondreSupprimerSi tu en as l'occasion, n'hésite pas à le lire ^^
SupprimerMerci pour ce tag ! Je vais regarder de quoi il s'agit et j'aviserais en fonction :)